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nages, malgré l’empreinte tudesque dont elles sont frappées, sont les plus belles que l’on puisse imaginer. Le Pontormo consacra plusieurs années à ces ouvrages, tant parce qu’il travaillait avec lenteur, que parce que la solitude de la Chartreuse lui était très-agréable. Lorsque la peste eut disparu, il retourna à Florence ; mais il alla et vint continuellement de cette ville à la Chartreuse, à la grande satisfaction des religieux, pour lesquels il fit encore, au-dessus de l’une des portes des chapelles de l’église, le portrait d’un de leurs frères convers, qui était alors âgé de cent vingt ans et bien portant. Ce morceau est digne des plus grands éloges, et suffirait à lui seul pour que l’on pardonnât au Pontormo la manière fantasque et capricieuse que la solitude lui avait inspirée. Il peignit en outre une Nativité du Christ pour la chambre du prieur. La scène, éclairée par une lanterne que tient Joseph, montre, que Jacopo ne cessait point de s’inspirer des gravures allemandes. Il ne faut pas croire cependant qu’il soit à blâmer pour avoir imité Albert Durer dans ses inventions ; car c’est une chose qui ne pouvait lui nuire, et qu’une foule de peintres ont faite et font fréquemment. Il est à blâmer pour avoir transporté la mesquinerie de la manière allemande dans ses draperies, dans les expressions des têtes, et dans les attitudes de ses personnages, défaut dans lequel il devait éviter avec soin de tomber. Pour les mêmes religieux, il peignit à l’huile dans le réfectoire des étrangers le Christ à table avec Cléophas et Luc. Il ne suivit que son génie dans ce merveilleux ouvrage,