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de retour, il est décidé à marcher devant lui jusqu’à ce qu’il se trouve sous un ciel plus inspirateur que le ciel de Venise. Il ne demandera des préceptes et des leçons qu’à des gens plus capables d’en donner que le Giorgione et le Titien ; il n’entrera en concurrence qu’avec des émules plus dignes et plus forts que Paul Véronèse et le Tintoret ; et encore, quand il aura rencontré les choses et les hommes qu’il cherche, pour s’en servir et lutter contre eux, il s’y prendra comme aucun de ses contemporains ne s’y prend ; car ce qui lui tourmente le plus l’âme, c’est de n’étre pas né cent cinquante ans plus tôt. Est-il besoin de longtemps réfléchir pour comprendre que cet orgueilleux marche à sa ruine ? Et pourtant, il faut tout dire, la féconde Italie et le XVIe siècle pouvaient bien difficilement laisser errer toujours et se perdre les plus indisciplinés de leurs enfants.

Le Franco n’alla pas loin pour croire tenir ce qu’il cherchait. Citoyen de Rome, hôte de Florence, ami de Raphaël, disciple de Michel-Ange, trouvant à côté des réalisations brillantes de ces jeunes hommes les récits passionnés de tous ces vieillards radieux qui charmaient leur repos au souvenir du passé en se promenant le long du Tibre et de l’Arno, il se fixa bientôt à cette destinée qu’il appelait fièrement son ouvrage. Pendant trente années de labeurs acharnés et d’incontestables succès, il s’étourdit dans ses curiosités et ses excitations, croyant sa vie pleine, son choix bon, sa gloire assurée. Mais, par malheur pour lui, un jour il revint à Venise.