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reste, qu’on ne doit nier le mérite des œuvres qu’il a laissées. Ce n’est donc ni à son talent ni à sa méthode considérés en eux-mêmes qu’il faut s’en prendre ; son tempérament et son caractère seuls peuvent démontrer que nul ne saurait acquérir un grand nom dans les arts, si les instincts de l’artiste ne sont pas équilibrés par les instincts de l’homme.

Battistanaît à Venise, et à l’âge où le jeune peintre, hésitant encore sur le seuil du monde réel, mesurant d’un coup d’œil les amitiés et les rivalités, les supériorités et les médiocrités qui l’entourent, sent monter du fond de son âme et le remplir tout entier cette confiance en soi qui le pousse à venir prendre aussi sa place au soleil, au moment, enfin, où l’élève sent se développer en lui l’individualité d’un maître, il quitte Venise pour aller à Rome.

Mais Rome ne pouvait pas longtemps suffire à qui Venise, au temps du Tintoret, du Titien et de Paul Véronèse, ne suffisait pas, à qui ces hommes dans leur jeunesse ne faisaient point pressentir des concours sérieux et de dignes émulations. Ainsi l’orgueilleuse et imprudente désertion de l’école natale vouait le Franco à toutes les inquiétudes et à toutes les oscillations ; car il faut voir que le Franco, dans toutes ses pérégrinations inquiètes, en Romagne et en Toscane, n’est plus un jeune compagncfn qui voyage et cherche à pénétrer partout pour s’instruire, mais bien un maître qui en tous lieux veut se produire, qui réclame et obtient des travaux sérieux et des entreprises monumentales, et qui toujours entend se mesurer, dans les évolutions incessantes