Tintoretto, lequel a cultive avec passion tous les arts, et entre autres la musique. Jamais la peinture n’a eu un cerveau plus extravagant, plus capricieux, plus prompt, plus résolu et plus terrible que celui-là, comme le témoignent ses ouvrages fantastiques, où il s’est complètement écarté de la voie suivie par les autres artistes. Par la bizarrerie de ses inventions, par l’étrangeté de ses fantaisies, il semble avoir voulu montrer que la peinture n’est pas un art sérieux. Parfois il a donné pour finis des tableaux à peine ébauchés, où les coups de pinceau paraissent frappés au hasard plutôt qu’avec attention. Il n’y a sorte de peinture à fresque et à l’huile qu’il n’ait exécutée et à tout prix, de façon que la plupart des travaux entrepris à Venise lui sont échus. Dans sa jeunesse, il déploya une rare puissance dans une foule de belles productions ; aussi n’est-il pas douteux qu’il serait l’un des plus grands maîtres qu’ait jamais possédés Venise, s’il eût connu les rares qualités dont l’avait doué la nature, et s’il eût voulu les fortifier par Fétiide, ainsi que l’ont fait ceux qui ont imité ses illustres prédécesseurs. Néanmoins nous sommes bien loin de prétendre qu’il ne soit pas un brave et bon peintre, plein de feu, d’originalité et d’habileté.
Le sénat ayant ordonné à Jacopo Tintoretto, à Paolo de Vérone et à Orazio, fils du Tiziano, de faire chacun un tableau pour la salle du Conseil, le Tintoretto peignit Frédéric Barberousse couronné par le pape entouré d’une foule de cardinaux et de gentilshommes vénitiens, et accompagné de ses