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Après cette victime résignée de l’art faux, de l’art académique, après ce touchant confesseur de l’art vrai, de l’art indépendant, il se trouva des tempéraments fougueux, prêts à tout oser, jetant comme un épouvantail leurs mœurs hautaines et comme un soufflet leur génie insolent. L’intrigue académique en vient encore à bout. Les plus pâles souteneurs défendent suffisamment les choses plates, qui pour elles ont l’opportunité et l’opinion. Le fougueux Caravage, pareil à une bête enragée, meurt sur la route, quelques jours après avoir fait son immortel portrait d’Adolphe de Vignacourt, le grand-maître de Malte qui l’avait nommé chevalier pour qu’il pût se battre avec l’académicien Josepin, le plus triste coryphée de la plus triste cause. Bien loin de ces époques chez nous, dans des mœurs différentes, même acharnement honteux des académistes contre les talents vrais et les caractères indépendants. Les élèves de Vouet qui préludaient à l’organisation de notre académie royale, et qui, peu de temps après, la composèrent, reléguèrent Poussin à Borne, Poussin qui, malgré leurs clameurs jalouses, est resté le premier peintre et le vrai chef de l’école française. Le Valentin et Claude partagèrent ce glorieux exil. Lesueur, ainsi que le plus inutile mercenaire, vécut dans la détresse et dans l’abandon. Dans cette vie si patiente et si retirée qu’à peine on en retrouve les traces, tout ce qu’on voit clairement, ce sont les embûches et les vengeances académiques. Dans la vie de Lesueur, il n’est parlé que de sa tenace misère, que de sa mélancolie incurable,