Page:Vasari - Vies des peintres - t7 t8, 1841.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tons, et pour chacun il réservait une brosse particulière. Il ne souffrait point qu’on fît le moindre mouvement dans son atelier, tant il redoutait la poussière. Cette recherche excessive n’est pas plus louable qu’une excessive négligence. En toute chose il faut garder un terme moyen et se préserver des extrêmes, qui sont communément vicieux.



Il serait assez curieux et peut-être fort utile de rechercher la cause de l’opinion enracinée chez la plupart des personnes étrangères à l’exercice de l’art, touchant la tournure d’esprit qui doit, suivant elles, faire reconnaître le véritable artiste. Selon cette opinion vulgaire, il faut de toute nécessité, pour qu’un artiste soit remarquable, qu’il soit un peu fou. Sans le grain précieux de la folie, il n’aura, en effet, que peu d’originalité, de verve, de constance et de succès. Cet aperçu est étrange ; et bien que le grand nombre s’y accorde depuis long-temps, nous ne saurions y souscrire. Cette idée n’est peut-être qu’une grossière prévention, issue de l’ignorance des choses et de l’impatience avec laquelle les intelligences moyennes et inoccupées supportent l’éclat des intelligences supérieures et actives. On juge mal ce dont on ne s’approche pas, et on aime à déprécier ce qu’on ne peut atteindre. Des artistes d’un grand mérite ont pu montrer quelque singula-