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si elle se fût exercée alors, n’eût pas manqué de prédire le complet abandonnement de la donnée antique, quand l’instinct artistique des races barbares, envahissant et irrésistible, comme tous leurs autres instincts, vint se prendre avec le génie lassé des races civilisées. Il en fut cependant tout autrement. Sous la médiation du christianisme, c’est-à-dire sous la main de la Providence et l’économie du cours des choses, ces goûts différents, ces tendances hostiles, étonnés de se trouver en présence, et s’incriminant l’un l’autre, s’attachèrent pour toujours s’appartenir. L’homme civilisé reprochant au barbare sa rudimentaire ignorance, son incapacité ouvrière, la nullité de ses manifestations, son impuissance pour tout signe, pour toute image saisissable ; et le barbare, avec son vague idéal qu’il ne peut encore formuler, avec son imagination nuageuse, qui n’a pas encore trouvé une langue pour la débrouiller, reprochant à l’homme civilisé sa déplorable habileté, et méprisant l’insignifiance de ses œuvres subtiles et vaines. Qu’arrive-t-il d’ordinaire dans ces conflits ? L’instinct court vite à une forme qui l’aide à se faire comprendre, et à s’expliquer à lui-même. Or, toute forme est longue à créer, et, sous sa main, le barbare en trouve une toute prête. D’un autre côté, l’habileté aux abois, et qui ne sait plus où s’exercer, s’accroche à toute inspiration qui lui promet quelque aliment. L’homme civilisé vit comme il peut de l’imagination du barbare, et, dans cette inextricable fusion, un art nouveau naît, se développe, éclate, où chacun aurait peine à reconnaître