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L’unité de l’Église, pour s’étendre et s’universaliser, puisa aux sources les plus opposées ; sa large hospitalité accepta, pour les pacifier et les fondre, les affections les plus hostiles et les instincts les plus contradictoires[1] Si l’on réfléchit seulement un moment aux profonds contrastes que présentaient alors entre elles l’éducation juive et celle des autres peuples de l’empire, on comprendra combien l’Église dut avoir de peine et combien il lui fallut de sagesse pour discipliner sous une règle commune ses premiers néophytes. Aussi l’Église, dans sa patience maternelle, dut-elle attendre que ses enfants en discord se façonnassent à l’union, et laissa-t-elle au temps et à l’habitude le soin d’assouplir leur humeur et d’user leurs querelles. Dans le domaine des idées, l’esprit juif et l’esprit grec, les deux représentants suprêmes de l’antiquité intelligente, lui donnèrent surtout à faire. Leur lutte manqua la dissoudre. Tout en les surveillant, l’Église sut ne pas les comprimer ; tout en les redoutant, elle sut les laisser agir. Son équilibre fut parfait, et maintenant que nous connaissons la haute harmonie et la rigoureuse autorité que cet équilibre lui permit d’atteindre, c’est un bien curieux spectacle que de démêler ses originaires désordres et ses primitives complaisances. Dans nos arts comme en toutes choses, comme dans les mœurs et les croyances, le génie grec et le génie juif furent aux prises, et, ne pouvant se vaincre, furent obligés de s’unir.

  1. C. Grüneisen. Les Raisons et les limites de la haine de l’art dans les trois premiers siècles après J.-C. Tubingen, 1831.