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les spectateurs. L’autre comédie était de Messer Giovanni Poliastra, poète d’Arezzo. Elle fut dirigée par les Infiammati. Les jeunes nobles qui composaient cette confrérie chargèrent Lappoli de peindre de beaux décors pour leur comédie, qui n’obtint pas moins de succès que celle des Umidi leurs concurrents. Je raconterai en passant un bon tour dont Messer Pollastra, homme de beaucoup d’esprit, fut l’auteur. Pendant les préparatifs des fêtes, les Umidi et les Infiammati, échauffés par la rivalité, s’étaient pris de querelle et en étaient venus aux mains. Le Pollastra embaucha secrètement quatre des batailleurs auxquels il donna ses instructions. Le jour de la représentation solennelle, au moment où tous les gentilshommes et toutes les dames de la ville s’apprêtaient à écouter la comédie, les quatre complices, le bras entouré d’un manteau, se précipitèrent sur la scène en s’injuriant et en se portant de furieux coups d’épée. Puis l’un des combattants se détacha du groupe et montra son front ensanglanté en s’écriant : « Ah ! traîtres, sortons ! » Aussitôt les spectateurs se lèvent en masse, les parents des jeunes gens qui continuaient à ferrailler d’une manière si terrible volent à leur secours, lorsque le prétendu blessé, se tournant vers ses compagnons, dit ; « Halte ! signori, rengainez les épées ; nous sommes ennemis, c’est vrai, mais on croit que la comédie ne se jouera pas : elle se jouera, de par Dieu ! et, malgré ma tête fendue je vais commencer le prologue. » Tous les spectateurs et les acteurs eux-mêmes, qui n’avaient pas été initiés au complot,