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honnêtes et sans défense, sons des noms ignominieux, dont le dégoût suffirait à leur donner l’énergie nécessaire pour se créer, par un double apprentissage, une position première ? Habituées à affronter l’opinion qui sans raison les afflige, bien moins de préjugés les entravent. Il serait juste qu’elles en profitassent au moins. Tous les métiers qu’elles choisissent sont forcément appris par elles ; à tous il faut qu’elles apportent d’abord leur temps, leurs privations et leur volonté ! Et pour quoi trouver ? une vie plus ou moins misérable, à cause de l’affreuse concurrence. Les arts, au bout du compte, ne demandent pas davantage et promettent autant. Pourquoi donc ces femmes ne montreraient-elles pas ce qu’elles valent, comme le font quelques-uns de leurs frères ? Pourquoi refouleraient-elles toujours en elles cette sourde envie de parvenir à ces états nobles qui, aujourd’hui, vous mettent de niveau avec les plus fiers ? Objectera-t-on qu’élevées dans l’ignorance et la grossièreté, elles ne peuvent avoir de vocation pour les choses qu’elles ignorent, qu’il leur est impossible de comprendre et, partant, d’étudier ? Mais qu’est-ce donc que la vocation, dont en tant d’autres circonstances on fait tant de bruit, si ce n’est l’instinct, la volonté et la persistance ? Ces virtuelles puissances peuvent-elles être prises pour un produit d’éducation ? Non assurément ; cependant on les rencontre, c’est Dieu qui les donne ; or, les blasphémateurs les plus effrontés n’osent plus dire que l’universelle bonté de Dieu ne sème pas partout ses dons.