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la vive affection de l’art. Ce peuple, profondément artiste, profondément connaisseur, jouissait de son bien avec chaleur, avec verve, avec appétit. Nationaux, étrangers, enfants, hommes, vieillards, sages et fous, filles et femmes, gens de toute étoffe et de toute couleur, étaient bien reçus, bien appréciés, si leur esprit ingénieux ou leurs mains habiles avaient quelque chose à montrer. On ne sacrifiait point un ordre d’idées à un autre. Les plus humbles productions, les plus grotesques imaginations, les plus monstrueuses conceptions, étaient applaudies, si le mérite y perçait, par les mêmes gens qui sortaient d’admirer les plus sublimes créations, les drames les plus austères, les œuvres les plus régulières. L’Italien du bon temps se pâmait d’aise devant les fantastiques lubies de Piero di Cosimo, et d’orgueil devant les imposantes réalisations de Michel-Ange. Il trouvait également admirable, aussi beau, aussi étonnant, que tout ce qui peut se faire de main d’homme, la tête de la Joconde, ou le pêle-mêle des serpents, des scorpions et des crapauds de Léonard de Vinci. Le tout était couvert d’or quand on était riche, d’envie quand on était pauvre, et de chauds remercîments dans l’un et l’autre cas. Pauvre homme bien à plaindre, en vérité, que l’amateur italien dans ses jouissances grossières et ses niaises extases, que n’était point venu encore discipliner et brider l’esthétique moderne, mère de ces merveilles pures et continues, qu’on nous fait voir aujourd’hui ! Toujours est-il que, dans le bon temps, l’aptitude des femmes à plaire et à intéresser avec l’outil de l’ou-