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par un fil qui le diminuait d’une brasse. Il prit alors le parti d’y sculpter un jeune Fleuve renversant, avec l’aide de trois enfants, une urne de laquelle sortait une nappe d’eau où frétillaient des poissons au milieu d’oiseaux aquatiques. Le Vinci donna ce fleuve à Luca Martini qui l’offrit à la duchesse. Son Excellence l’accepta avec plaisir, et le donna à son frère, don Garcia de Tolède, qui le destina à orner les fontaines de son jardin de Chiaia, à Naples.

Vers ce temps, Luca Martini, alors occupé à écrire des commentaires sur la comédie du Dante, inspira au Vinci l’idée de retracer le supplice du comte Ugolino della Gherardesca, condamné, par le cruel archevêque Ruggieri, à mourir de faim avec ses quatre fils dans la tour de la Faim. Tout en s’occupant du fleuve dont nous parlions tout à l’heure, le Vinci fit de ce terrible sujet un modèle de trois quarts de brasse de largeur sur une brasse de hauteur. Il représenta deux des enfants morts, le troisième rendant l’âme, et le dernier luttant encore contre les tortures de la faim et regardant avec une expression déchirante son malheureux père qui trébuche sur les cadavres de ses fils. Dans cet ouvrage le Vinci montra la puissance du dessin, de même que l’Alighieri développa dans ses vers celle de la poésie. Le ciseau du statuaire ne fut pas moins éloquent que le chant du poète. Pour indiquer l’endroit où le drame se passa, notre artiste figura sur sa plinthe l’Arno, qui coule non loin de la fatale tour de Pise. La Faim, sous les traits d’une vieille femme nue, décharnée et