Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/736

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Feltro, Luzio de Feltro, Zarotto, Morto, Sarato. Les confusions qui résultent si naturellement de tant de noms divers n’ont pas été à coup sûr sans embrouiller beaucoup sa curieuse légende, et le Vasari si souvent induit en erreur, comme nous le ferons voir plus tard, en ce qui touche les gens de Venise et de son territoire, était peu propre à nous l’éclaircir. L’historien Ridolfi s’est essayé à le faire, et, en plusieurs points, y a sans doute eu la main heureuse. Ainsi, suivant les preuves que cet historien apporte, Lanzi admet que les peintures historiques de Morto sont beaucoup plus méritantes que le Vasari ne le prétend, et il n’hésite guère à lui faire les honneurs du tableau d’autel de l’église du Saint-Esprit, et de quelques autres fort remarquables à Villabruna et à Teggie. Ridolfi, appuyé sur deux livres restés manuscrits, l’un contenant l’histoire de l’école de Feltro, et l’autre celle de l’école d’Udine, précise sur Morto da Feltro un fait qui a été souvent et vivement discuté, et qui, vrai ou faux, n’a pas été mis certainement à la connaissance de notre auteur. Il paraîtrait que Morto, élève du Giorgione, admis par lui dans les fêtes brillantes et les intrigues amoureuses dont il était l’âme à Venise, lui enleva une femme qu’il aimait d’une passion folle, et lui causa ainsi un chagrin qui le mena au tombeau. Quoique tout ce qui se rattache à un homme tel que le Giorgione ait pour nous de l’importance, attendu qu’entre tous les hommes extraordinaires de l’Italie c’est un de ceux que nos sympathies mettent hors de ligne, nous avons renoncé à entreprendre de