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sut souvent emprunter à son illustra ami. Vasari raconte que l’envieux Baccio Bandinelli, dans un de ses moments de haine fougueuse vis-à-vis de Michel-Ange, espéra de se mettre d’emblée au-dessus de lui s’il parvenait à peindre, ce qui, dans son esprit, se bornait à colorer avec charme, ses savants cartons. Ce fut sur Andrea del Sarto qu’il jeta son dévolu. Bandinelli était riche, il lui commanda donc son portrait, espérant qu’il lui suffirait d’avoir pu suivre de l’œil, sur une seule de ses productions, la marche d’un tel homme pour connaître à fond toutes les ressources de l’art. Cette espérance, toute exagérée qu’elle pût être, et toute excessive qu’elle puisse sembler, ne doit pas cependant n’offrir aucun sens à l’homme attentif. Bandinelli était trop exercé pour apporter dans une question d’art, quelle qu’elle fût, des illusions puériles et des préventions tout à fait gratuites. S’il était donc en droit d’attendre quelque chose de bon d’une telle ressource, que ne dut pas en tirer le Franciabigio, pendant sa longue familiarité avec Andrea del Sarto ? Aussi, quand les deux amis se séparèrent, Franciabigio fut-il assez hardi pour entreprendre de concourir contre un génie si formidable, et Andrea del Sarto assez judicieux pour s’efforcer à ne point se laisser battre par un talent aussi exercé. Cette lutte que tous deux, ainsi que leurs contemporains et leur historien, prirent au sérieux, honore encore et recommande hautement celui qui ne devait pas en sortir vainqueur.