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Afin de détourner les soupçons, ils portèrent le cadavre devant la porte de la maîtresse du pauvre Polidoro, comme s’il eût été tué par les parents ou les amis de cette femme. Le valet distribua une bonne partie des écus aux brigands qui avaient coopéré au crime, et les congédia ; puis, le matin arrivé, il courut chez un comte, ami de son maître, annoncer en pleurant la triste nouvelle. On se livra pendant plusieurs jours à des recherches qui auraient assurément continué de rester infructueuses, si Dieu n’eût voulu qu’une personne, complètement désintéressée dans l’affaire, ne se fût écriée qu’il était impossible que l’assassinat eût été commis par un autre que par le valet. Le misérable fut garrotté, et, sans attendre la torture, s’avoua coupable. Il fut condamné à être tourmenté avec des tenailles rougies au feu, avant d’être pendu et écartelé. Mais cela ne rendit pas la vie à Polidoro, et la peinture n’en demeura pas moins privée du génie le plus rare qui eût existé depuis des siècles. L’invention, la grâce et la hardiesse dans les productions de l’art seraient mortes avec lui, si elles avaient pu mourir. Bénie soit la nature pour avoir formé un si noble esprit ! Maudite soit la fortune pour avoir permis une si épouvantable mort ! Mais si Polidoro dut tomber sous les coups de cette cruelle ennemie, son nom échappera aux atteintes du temps.

Regretté de Messine tout entière, Polidoro fut enseveli avec pompe dans l’église cathédrale, l’an 1543.

Il accrut grandement les ressources de l’art en