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la plus belle et la plus haute moralité dont puisse s’honorer notre art, sur celles de Michel-Ange de Florence, son maître. Expliquons-nous. Cellini raconte son intimité avec un certain Michel-Ange, grand ami comme lui du licencieux Jules Romain. Cynique comme on le connaît, il ne craint pas de nous faire assister à leurs débauches nocturnes. Impossible, pour peu qu’on y regarde, de confondre, dans ces récits effrontés, le jeune orfévre de Sienne avec le vieux et austère sculpteur de Florence. Et d’abord, la rigidité des mœurs et les allures solitaires du Buonarroti, de ce chaste amant de la divine Vittoria Colonna, de ce sobre époux, comme il s’est proclamé lui-même, de ces deux femmes altières, à savoir la peinture et la sculpture, ne sont-elles pas proverbiales ? Et puis, ne le seraient-elles pas, que de raisons pour ne pas supposer si précipitamment que Michel-Ange le sourcilleux avait pu se vautrer dans l’orgie avec l’élève et le fils d’adoption de son antagoniste de Rome, de ce Raphaël dont la gloire facile était venue troubler sa laborieuse sérénité ! Et puis, en lisant les mémoires de Benvenuto Cellini, comment expliquait-on les hyperboliques élans de sa vénération ? Et l’âge des convives ? Et l’indication de la patrie du Siennois partout accompagnant son nom ? En vérité, cette erreur n’a rien qui l’excuse, et dépasse le droit que prennent parfois les gens de talent d’arranger et de mutiler l’histoire. Ils devraient cependant réfléchir que l’autorité dont ils jouissent leur impose une consciencieuse étude