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gens qui portaient ses couleurs lorsqu’il allait chez l’empereur. Titien l’emmena donc un jour avec lui. Dès qu’Alfonso le vit absorbé dans son travail, il se plaça derrière un fauteuil, tira une boîte en forme de médaille, et modela en stuc les traits de Charles-Quint. Lorsque la séance fut achevée, il s’apprêtait à glisser sa boîte dans sa poche, pour que le Titien ne se doutât de rien ; mais l’empereur l’arrêta en lui disant : « Laisse-nous voir ce que tu as fait. » Alfonso fut forcé de remettre humblement son portrait entre les mains de Sa Majesté, qui, après l’avoir comblé d’éloges, lui demanda s’il se sentait le courage de l’entreprendre en marbre ? « Oui, Sire ! » s’écria Alfonso. « Eh bien ! mets-toi à l’œuvre, et viens nous trouver à Gênes, » lui dit Charles-Quint. Chacun peut imaginer combien la conduite d’Alfonso dut paraître étrange au Titien, qui fut bien plus surpris encore lorsque l’empereur lui envoya mille écus, avec l’ordre d’en donner la moitié à Alfonso. Du reste, le buste qu’exécuta Alfonso est un chef-d’œuvre, et lui valut de nouveau trois cents écus de la générosité de Sa Majesté. Son crédit s’en accrut, et le cardinal Hippolyte de Médicis le conduisit à Rome, où il le chargea de faire en marbre une copie d’un buste antique de Vitellius. Ce travail ayant justifié la bonne opinion que tout le monde avait conçue de notre artiste, son protecteur lui confia l’exécution du portrait de son père, Julien de Médicis, et de celui du pape Clément VII. Le magnifique Octavien de Médicis m’ordonna d’acheter ces bustes, que l’on voit aujourd’hui dans le