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ressembler à un courtisan frivole plutôt qu’à un homme avide de gloire. Lorsque les artistes veulent lutter de parure avec les riches et les nobles, ils arrivent à un but tout opposé à celui qu’ils cherchent ; de semblables folies, au lieu de leur donner plus de relief, ne servent qu’à leur attirer le mépris des gens sensés. Ainsi Alfonso, aveuglé par la fatuité, tenait parfois une conduite qui forçait à oublier la considération qu’il avait acquise par son talent. Se trouvant un soir à une noce chez un comte bolonais, il se montra fort empressé auprès d’une dame de qualité à laquelle il finit par dire d’une voix tremblante, en tournant vers elle des yeux pleins de langueur et en poussant un long soupir : « Oh ! signora, si ce n’est l’amour, qu’est-ce donc que je sens (3) ? — Sans doute quelque puce qui vous pique, lui répliqua froidement la dame. » Cette riposte, lancée de manière que plusieurs personnes l’entendissent, ne tomba pas à terre et circula dans toute la ville à la honte du galant Alfonso.

Si notre artiste avait donné moins d’importance aux vanités du monde pour songer un peu plus au travail, sans nul doute il se serait rangé parmi les plus grands maîtres ; car, s’il a dû de magnifiques résultats à sa facilité seulement, que n’aurait-il pas obtenu en se livrant à des études consciencieuses ? Charles-Quint, pendant son séjour à Bologne, avait chargé l’illustre Titien, de Cadore, de faire son portrait. Alfonso briguait secrètement le même honneur. Il pria le Titien, sans toutefois lui découvrir son projet, de lui permettre de remplacer un des