Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/587

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’en doutez pas, a le métier. Si de telles distinctions, dans la complexion de la faculté de produire, ont été souvent émises par des hommes de sens, soyez sûrs qu’en se servant du moyen humain de l’analyse, ils n’ont voulu qu’exprimer les différents aspects d’une même essence, et que dans leur langage, forcément incomplet comme tout ce qui est de l’homme, ils n’ont jamais pu entendre déchirer aussi violemment l’unité de l’organisation humaine. Toute idée mène à l’action, et qui agit sait. Il n’y a, au reste, que dans nos malheureux arts, si étrangement conseillés aujourd’hui, qu’on se soit permis ainsi de découvrir des pensées supérieures sous des formes pitoyables, ou des formes sublimes sous des pensées insignifiantes. La peinture aurait-elle donc à elle seule ce privilége inouï, d’admirablement parler sans avoir rien à dire, et d’avoir tant à dire sans trouver un mot ? Quoi qu’il en soit, et pour revenir à lui, Andrea procédait immédiatement d’après la nature, telle qu’il la voyait. Il n’est pas possible d’en douter. Ses plus belles pages roulent sur deux ou trois portraits, qui sont reproduits invariablement sous tous leurs aspects. Là est la cause évidente de l’intérêt qui s’attache à son œuvre pour l’œuvre elle-même, et qui donne une telle puissance à sa beauté, que la disposition du motif et la traduction du sujet disparaissent, pour vous laisser pensif et rêveur, comme on pense et comme on rêve en face de la nature. C’est précisément parce qu’il a pu aborder la nature franchement, comme elle se présentait à lui,