Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/579

Cette page n’a pas encore été corrigée

brassez d’un regard. Vous la regardez long-temps, et rien ne vous distrait de cette impression de l’ensemble et de l’unité sous laquelle elle vous a frappé d’abord. Plus on voit le tableau, plus on l’admire. Mais, pour l’admirer davantage, il ne s’offre pas à l’esprit de raisons ou de prétextes nouveaux. L’analyse successive des détails de la forme, des éléments du travail, des intentions de la pensée, n’y est pas possible. D’autres vous présenteront leur toile comme un livre dont la lecture déroulera, en vous charmant, le sens et la portée, et dans le chemin par où passera votre attention, ils vous feront rencontrer à chaque pas ces traits imprévus que l’attentention seule découvre. Tel n’est point le procédé d’Andrea. Aucun coin de sa toile ne recèle une beauté que son calcul vous ait ménagée, ou que votre entraînement vers une beauté principale vous ait fait perdre. Devant lui, l’intuition non plus que la compréhensionn’estintime qu’autant qu’elle porte sur le tout. La beauté, considérée en elle — même, a-t-elle une plus haute prérogative que celle-là, de pouvoir s’emparer dans la plus soudaine apparition de toute la sensibilité du spectateur, et de la tenir tellement ébranlée et tellement occupée, qu’elle ne puisse échapper à la sensation enivrante d’un objet encore vague et indéterminé, sans pouvoir se rasseoir dans la jouissance plus reposée des détails, et dans l’examen plus indépendant des parties ! La notion de l’infini, l’idée de Dieu, ne tombent pas sous l’intelligence, elles s’en emparent et la maîtrisent L’esprit humain, ravi par elles dans ume sphère trop