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Florence, reçut cet ordre avec un profond chagrin. Néanmoins, il répondit qu’il ne manquerait pas d’obéir, mais que le cadre étant mauvais il en faisait faire un neuf, et qu’aussitôt qu’il serait doré, il enverrait le portrait à Mantoue. Puis, afin de ménager la chèvre et le chou, il manda mystérieusement Andrea, lui raconta ce qui se passait, et lui dit qu’il n’y avait d’autre remède que de donner à Frédéric II une copie aussi exacte que possible à la place de l’original que l’on tiendrait soigneusement caché. Andrea promit d’opérer de son mieux, et se pourvut d’une toile complètement semblable qu’il peignit en secret chez Octavien. Il reproduisit tout, et jusqu’aux moindres taches de saleté avec une si merveilleuse fidélité, que, quand il eut achevé son travail, Octavien, qui cependant était un excellent connaisseur, fut incapable de le distinguer de l’original. On envoya donc le tableau d’Andrea au duc de Mantoue qui en fut ravi. Jules Romain lui en fit les plus grands éloges sans s’apercevoir de rien, et il ne serait jamais revenu de sa méprise s’il n’eût été désabusé par Giorgio Vasari, qui, protégé dans son enfance par Octavien, avait été admis à voir travailler Andrea. Jules Romain, après avoir montré une foule d’antiquités au Vasari qu’il avait rencontré à Mantoue, lui recommanda le portrait de Léon X comme la meilleure peinture de la ville. « C’est une très-belle chose, lui répondit Vasari, mais elle n’est pas pour cela de la main de Raphaël. » « Comment, s’écria Jules, ne sais-je pas ce qu’il en est, moi qui reconnais mes propres coups de