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perçurent que le vol de cet aigle ne s’élevait pas même jusqu’aux gouttières. Les peintres de Rome ne purent que tourner en dérision ce merveilleux tableau, dans lequel il avait représenté le couronnement de la Vierge, avec quelques petits anges voltigeant dans les airs. Lorsque le vulgaire a, par ses clameurs, donné à un homme une place imméritée, il est bien difficile d’en faire justice, jusqu’à ce que ses œuvres mêmes, infligeant un éclatant démenti à sa renommée, découvrent sa juste valeur. Rien n’est plus nuisible aux artistes que les louanges ; gonflés d’orgueil, il leur est impossible de marcher en avant, et s’ils ne répondent pas à l’attente qu’ils avaient fait concevoir, ils s’attristent du moindre blâme et désespèrent de se relever jamais. Il est donc sage de redouter les éloges plus que la critique : les éloges nous trompent en nous flattant, la critique nous instruit en nous montrant la vérité. Boccaccino, accablé de huées et de sifflets, s’enfuit de Rome et retourna à Crémone, où il continua d’exercer la peinture le mieux qu’il put. Il peignit dans la cathédrale l’histoire complète de la Vierge. Cet ouvrage est fort estimé à Crémone. Il en exécuta encore d’autres dans la même ville et ailleurs, mais il ne convient pas d’en parler. Il enseigna son art à son fils Cammillo, qui se livra plus sérieusement à l’étude, et s’attacha à éviter les fautes que la vanité avait fait commettre à Boccaccino. Cammillo a laissé quelques ouvrages à San-Gismondo, à un mille de Crémone. Les Crémonais regardent ces peintures comme les meilleures qu’ils possèdent. Il décora