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Santa-Maria-di-Campagna de laquelle nous venons de parler.

Toutes ces belles peintures furent cause que les gentilshommes de Vicence prirent notre artiste en grande vénération, et lui firent épouser une femme de leur ville.

Il alla ensuite à Venise où il avait déjà travaillé autrefois. Il y décora une façade à San-Geremia, sur le Canal-Grande et laissa, à la Madonna-dell’-Orto, un tableau à l’huile renfermant entre autres personnages un saint Jean-Baptiste dans lequel il s’efforça particulièrement de déployer tout son savoir (6). Il orna encore, sur le Canal-Grande, la façade de Martin d’Anna de fresques où l’on admire surtout un Curtius à cheval et en raccourci, qui semble complètement en relief, de même qu’un Mercure volant dans les airs. Cet ouvrage plut souverainement aux Vénitiens, et valut à Pordenone plus d’éloges que n’en avait jamais reçu aucun peintre de la ville.

Parmi les divers motifs qui le poussèrent à apporter un soin incroyable à toutes ses productions, le plus puissant fut la concurrence du grand Titien. Il se mit à lutter contre lui avec l’espoir qu’à l’aide d’une application continuelle, jointe à sa manière hardie et rapide d’exécuter les fresques, il s’emparerait de la glorieuse place que cet illustre maître avait conquise par tant de chefs-d’œuvre et par son affabilité, sa courtoisie, ses relations avec les hommes les plus considérables, et, en un mot, par son universalité. Du reste, cette rivalité lui fut vraiment utile ; car elle le força de traiter ses ouvrages