Comme nous l’avons déjà dit ailleurs, la nature, cette généreuse mère, prodigue parfois ses dons les plus rares aux contrées qui jusqu’alors en avaient été sevrées. Parfois encore elle y fait naître des hommes si heureusement organisés pour la peinture, qu’ils arrivent au plus haut degré de talent sans le secours d’aucun autre maître qu’elle-même. Et souvent, à peine un seul artiste a-t-il paru, qu’aussitôt s’élèvent autour de lui une foule de rivaux qui, enflammés d’une noble émulation, se livrent à de tels travaux, qu’ils obtiennent des résultats merveilleux, sans avoir visité Rome, Florence ou quelque autre ville pleine de chefs-d’œuvre. C’est ce qui est advenu dans le Frioul, qui, de nos jours, a vu ainsi commencer une multitude d’excellents peintres, après en avoir été privé pendant des siècles.
Parmi les élèves que Giovan Bellini rassembla dans son école, à Venise, il compta Pellegrino, d’Udine, appelé ensuite de San-Daniello, et Giovanni Martini, d’Udine. Ce dernier observa toujours la manière du Bellini. Elle avait tant de crudité et de sécheresse, que Martini, malgré son fini