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que le monde, faire un stade étroit aux murs tristes et nus ; puis à son extrémité indiquer ce but que nul jusqu’ici n’a jamais touché, quoi qu’on ait dit. Et dans cette voie stérile qui se déroberait sous les pas, il faudrait exciter sous le fouet d’une discipline exclusive le troupeau servile des talents élus.

Inconcevables tentatives ! Principalement dans un temps où l’on veut la liberté partout ; où le mouvement des choses a mis les hommes les plus bas dans les positions les plus hautes ; où tous les caprices s’avouent sans rougir ; où toutes les ignorances se prononcent sans balbutier.

Heureusement que, malgré toutes les blessures et tous les défauts, l’art sur lequel on se croit permis tous les essais n’est point un agonisant abandonné de Dieu, s’il l’est de ses médecins. Sa constitution vaut encore celle des choses le plus évidemment destinées à vivre, et sur lesquelles les infatuations de l’opinion ne sont pas encore arrivées à s’attribuer une puissance souveraine. Heureusement encore que des voix plus fortes et mieux entendues que la notre sauront dire que ce n’est point avec la verge du brutal commandement qu’on peut ainsi discipliner l’art, ni avec la serpe d’une vaine doctrine qu’on peut le mettre en coupe réglée. Il ne dépend de personne en particulier, quel qu’il soit, d’assigner à l’avance une forme et une saveur à des fruits. Certains de cela, nous nous bornons à dire que ce n’est ni comprendre ni résoudre la question de la vocation, que de mépriser les plus humbles tendances, en croyant mieux glorifier les plus hautes.