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Si vous appelez, comme vous devez le faire, et comme dans les plus beaux temps on l’a fait, toutes les classes et toutes les intelligences à étancher leur soif à la coupe de l’art, n’est-il pas rigoureusement démontré par là que vous devez accepter toutes les gradations du talent ? L’art, regardez-y bien, est donc un vaste champ où se doivent produire incessamment les œuvres les plus inégales, des plus simples aux plus compliquées, des plus particulières aux plus générales, des plus vulgaires aux plus exceptionnelles. Dans la constitution complète l’art est comme un arbre immense : les génies dont la tradition s’empare, pour en perpétuer sans cesse le souvenir et l’enseignement, augmentent le tronc séculaire de cet arbre. Les œuvres passagères succèdent aux œuvres mortes, comme les feuilles vertes aux feuilles jaunissantes. Produits d’un jour, en un jour disparus ; germes mal disposés pour vivre, principes incomplets, données imparfaites, inextricables détritus accumulés au pied du colosse, et fermentant sur ses racines ; fermentation plus ou moins nauséabonde, mais où tout se transforme et où rien ne se perd.

Ce n’est donc nullement ménager l’art que de vouloir distinguer, comme on dit, les artistes parmi la multitude des intelligences ; puis de pousser ces quelques élus dans une voie choisie aussi entre mille, et proclamée fastueusement la seule bonne, au nom d’une vaine logique et d’une mesquine esthétique.

Il faudrait alors de ce champ ouvert, aussi grand