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tance qui existe entre ces deux hommes ne suffit pas encore à faire mesurer exactement la multitude de ses besoins.

L’uniformité dans l’art, loin de favoriser les natures supérieures, ne pourrait jamais s’établir qu’au profit de la médiocrité. D’ailleurs, l’uniformité dans les manifestations de l’art est une chose aussi anti-humaine qu’une vocation unique le serait pour les artistes, qu’une sorte de jouissance unique pour la foule qui s’amuse de leurs ouvrages ; car, on l’oublie trop souvent, vis-à-vis des productions élaborées par une infinité d’organisations diverses, se déroule irrésistiblement l’immense série des instincts et des besoins auxquels doit répondre l’art. Comment donc, en présence de l’infinie variété des goûts et des désirs, comment s’y prendrait-on pour limiter la nature et la portée des travailleurs qui s’y adressent et les contentent ? L’influence de l’art sur les sociétés ne peut évidemment s’exercer qu’en raison directe du nombre des besoins auxquels il satisfait. Admettra-t-on que de prime abord l’intelligence humaine puisse se complaire dans l’intimité des chefs-d’œuvre de l’art, que le cœur puisse les sentir, l’esprit les apprécier ? Niera-t-on l’utilité, la nécessité d’une initiation progressive pour conduire graduellement à aimer et à comprendre les maîtres ? Où seront les éléments les plus naturels de cette initiation, si ce n’est dans l’immense échelle des talents inférieurs, par qui l’intelligence la plus étrangère à l’art trouvera satisfaits tout d’abord les instincts les plus élémentaires que possède chaque nature ?