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ritable royauté dans son art. Baldassare, tranquille et résigné, végétait à son ombre. Il acceptait avec reconnaissance les travaux insignifiants que celui-ci négligeait, et s’y acharnait avec conscience pour y montrer un talent aussi large dans ces thèmes étroits, que celui que développait le Bramante, à son aise, dans le vaste champ de Saint-Pierre et du palais de la Chancellerie. Et ce qui prouve que la postérité a bien fait de reconnaître surtout l’architecte dans Baldassare, c’est qu’il y réussit. Toujours limité par l’espace, et agrandi par l’art, Baldassare n’est tributaire ni du compas ni de la mesure ; à moins qu’on ne veuille soutenir ici cette insoutenable hérésie, qui nie la puissance artistique de l’homme et qui ne fait découler la grandeur morale de ses œuvres que de leur dimension matérielle. Mais les gens qui sentent l’art intimement et dont l’œil sait distinguer le caractère abstrait des choses, parce qu’ils l’ont exercé à des comparaisons moins superficielles, comprennent bien que la matière une fois travaillée par l’art échappe à la balance où sont pesés les corps bruts. Ainsi tel homme qui dans sa présomption a cru faire de grandes machines, n’a en réalité fait que de petites choses, de même que tel autre comme le Poussin et Lesueur, par exemple, en peinture, a su trouver la véritable grandeur dans les plus petits objets. Ce dernier résultat passionne surtout les amis sincères de l’art ; et comment, en effet, ne se laisserait-on pas prendre à une chaude sympathie pour ces ouvriers intéressants qu’on méconnaît ou qui s’ignorent eux-mêmes, et