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architectes ; Baldassare a trop chèrement acheté cet honneur par ses peines, il l’a trop bien mérité par ses succès ! Car ses œuvres d’architecture, en dehors de leur mérite, qui est immense, se recommandent encore de toutes les entraves que les circonstances de sa vie, et les qualités ou les défauts de son caractère, lui ont fait rencontrer. Si cet homme fut architecte, il fallait bien que le génie de l’architecture fût incarné en lui, car, en dehors de la question de goût et de talent, il n’avait rien qui pût l’aider à le devenir, et cependant il l’a été avec gloire ! Mais c’est là que le mystère de sa vie se dénoue, et que sa longue misère s’explique. Sollicité sans relâche par son génie, retenu sans cesse par son caractère, s’il devait sortir vainqueur de cette lutte, il devait aussi en sortir brisé. La peinture et l’architecture se donnent la main et sont sœurs, mais on n’obtient pas leurs faveurs par des mérites pareils. Il faut à l’architecte bien des choses que ne réclame point le peintre. Le peintre n’a qu’à répondre de soi, mais l’architecte doit pouvoir se créer un plus large ascendant. Il lui faut une hardiesse, une allure délibérée et entraînante, dans la supplique, comme dans le conseil, comme dans le commandement. Le modeste Peruzzi n’avait rien de cela. Peu ambitieux, peu remuant, incapable également d’exiger ou de refuser rien, il vit, sans s’émouvoir, le Bramante, son ami, plus vieux que lui de tant d’années, arrivé avec lui à Rome le même jour, se créer des occasions, ou du moins n’en laisser échapper aucune, et se fonder avec une intrépidité sans égale une vé-