Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plutôt par impression que par réflexion, comme des scènes franchement isolées, entreprises pour elles-mêmes, ne tirant ni secours ni gêne de ce qui les avoisine. Telle est sa composition de Fonte-Giusta de Sienne, le plus beau tableau de cette ville. C’est là qu’on peut voir à quelle majesté dans la forme, à quel enthousiasme dans l’expression, il savait s’élever. Le sujet qu’il s’y est donné y prêtait et montre la hauteur de sa pensée : la sibylle prédit à l’empereur romain Auguste l’enfantement de la Vierge, et le glorieux avenir de la ville éternelle, désignée par le Christ pour dominer encore sur les nations. Raphaël, Michel-Ange, et plus tard le Guide et le Guerchin, se sont complu à ces figures étranges et fantastiques de sibylles et de prophètes ; mais si pénétrants et si profonds que soient leurs symboles, si gracieux ou si bizarres que soient leurs aspects, si sévère et si inspirée que soit leur expression, aucun n’arrive à dépasser Baldassare dans cette œuvre.

Un mérite encore bien particulier à Baldassare, c’est d’avoir agrandi le premier et en quelque sorte fondé réellement un genre de peinture, que réclamaient impérieusement les nécessités de l’architecture, nous voulons parler des grotesques. Nous aurons occasion de revenir ailleurs sur ce genre ; mais en attendant, il faut prendre garde de se laisser abuser par le sens étroit que présente ce mot dans notre langue. Sans vouloir ici en donner au juste l’explication suivant que les Italiens l’entendaient, nous dirons que sous ce nom ils désignaient toute la