Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/333

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gonfalonier Pier Soderini et rappela les Médicis, Bandinelli s’introduisit secrètement, à l’aide d’une fausse clef, dans la salle qui renfermait le carton et le mit en pièces. Les uns prétendirent qu’il déchira ce chef-d’œuvre pour en posséder quelques parties ; d’autres pensèrent qu’il voulut ôter à ses jeunes rivaux les moyens de faire des progrès, en étudiant cette admirable page ; ceux-là dirent qu’il n’agit ainsi que par affection pour Léonard de Vinci, qui venait de voir sa réputation éclipsée ; ceux, enfin, qui savaient mieux apprécier les choses, attribuèrent son action à la haine dont il poursuivit pendant toute sa vie le grand Michel-Ange. Ce fut une perte immense pour les arts : aussi l’accusa-t-on justement d’envie et de méchanceté.

Baccio fit ensuite plusieurs cartons au charbon, rehaussés de blanc. Il en donna un fort beau, représentant une Cléopâtre nue, à l’orfévre Piloto. Il brûlait du désir d’apprendre à peindre, car la renommée de grand dessinateur qu’il avait acquise lui avait persuadé qu’il pouvait facilement disputer la palme à Michel-Ange. Il résolut donc de peindre à l’huile, d’après un de ses cartons, une Léda embrassant Jupiter transformé en cygne ; mais, quoiqu’il n’eût jamais tenu une brosse ni une palette, il voulait que l’on crût qu’il avait trouvé sans aucun aide toutes les ressources du métier. Pour parvenir à son but, il imagina l’expédient suivant : il pria son ami, Andrea del Sarto, de lui faire son portrait à l’huile, comptant bien lui dérober ses secrets en le voyant travailler ; mais Andrea le devina, et fut indigné