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Dans sa jeunesse aussi bien que dans sa vieillesse, à Florence aussi bien qu’à Rome, toutes les fois qu’il convoqua l’Italie entière devant ses œuvres, il fut salué par d’indicibles transports. Michel-Ange et Raphaël ont été les seuls triomphateurs de l’art, et rien ne peut se comparer aux acclamations du peuple enthousiaste, qui vit, au sortir de leurs mains, le Carton de la guerre de Pise, les Chambres Vaticanes, la Chapelle Sixtine et la Transfiguration. Pas une voix ne s’éleva pour contester leur victoire. Il fallut plus d’un siècle pour que la critique enhardie osât bégayer ses premières objections, et encore ne se sentit-elle quelque courage, qu’en opposant ces deux génies l’un à l’autre. La critique, après de vains efforts pour entamer Raphaël et Michel-Ange, eut recours à l’expédient du lapidaire qui attaque le diamant avec le diamant. Elle opposa Michel-Ange à Raphaël et Raphaël à Michel-Ange ; mais, depuis trois siècles, heurtés sans cesse l’un contre l’autre, Raphaël et Michel-Ange n’en sont que plus rayonnants. Quant à nous, c’est en dehors de cette habituelle comparaison que nous voulons envisager Michel-Ange. Il y a plus, c’est en dehors aussi de l’admiration convenue qu’on a pour lui, que nous travaillerons à le mieux connaître. Partis d’un autre point, si nous arrivons au même terme que ses plus confiants admirateurs, ils auront sur nous l’avantage de s’être moins fatigués ; mais nous aurons sur eux celui d’avoir ouvert nous-mêmes notre chemin, et d’avoir joui de tous les aspects qu’il peut offrir.