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ordinaires ; on verrait surtout que sa misère si commune dans les arts, et ses malheurs partagés par tant d’autres dans ces moments de troubles publics, en font un homme vraiment singulier et qui tient du prodige, par la manière dont ils s’enchaînèrent pour lui et dont il les accepta ; car si les œuvres de Baldassare sont pleines de lien et d’harmonie, on peut bien dire que son existence a été pleine de secousses et de contrastes. Issu d’une famille autrefois riche et noble à Florence, mais qui en avait été chassée dans les guerres civiles, et qui était venue s’installer à Volterre, comme pour s’y faire ruiner de nouveau, Baldassare naquit à Sienne dans la plus déplorable pauvreté. Enfant sans appui et sans guide, avec un précoce talent et un non moins précoce courage, il nourrit sa mère et sa sœur. Après avoir fourni aux besoins les plus pressants de sa famille, il passe à Volterre, où il fait, tout jeune homme, ses premiers beaux ouvrages. De Volterre il est appelé à Rome, sous la promesse de magnifiques travaux ; mais le souverain qui devait l’accueillir meurt quand il arrive. C’est de là que commence pour lui la série de mécomptes qui doit marquer toute sa carrière d’une empreinte vraiment fatale. Sous le règne de Jules II et de Léon X, travaillant tour à tour en concurrence avec Bramante et Raphaël, ses amis, apprécié presque à leur égal par les riches seigneurs qui l’employaient, il vit néanmoins dans une misère poignante que rien n’expliquerait, s’il n’était avéré que les gens qui lui demandaient alors ses dessins pour leurs palais, qui