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des épreuves en carton, que le Menighella allait vendre dans les campagnes. Michel-Ange se divertissait beaucoup des petites aventures qui arrivaient à l’artiste ambulant. Un paysan lui avait commandé un saint François : Menighella le représenta vêtu d’une robe grise ; le paysan se fâcha, et voulut que son saint fût habillé avec les couleurs les plus éclatantes. Pour lui plaire, Menighella fut forcé de le couvrir d’une chappe de brocard.

Michel-Ange aimait également le Topolino, tailleur de pierres, qui se croyait habile sculpteur, mais qui n’avait réellement point de talent. Il resta plusieurs années dans les montagnes de Carrare, pour surveiller les marbres que l’on expédiait à Buonarroti. Jamais il ne manquait d’ajouter au chargement de la chaloupe trois ou quatre petites figures ébauchées de sa main, qui prêtaient à rire à Michel-Ange. De retour à Rome, Topolino se mit à terminer un Mercure en marbre, et voulut absolument savoir ce qu’en pensait Michel-Ange : « Tu es fou, mon pauvre Topolino, lui dit alors Michel-Ange, de t’acharner à faire des figures ; ne vois-tu pas que ton Mercure, depuis les genoux jusqu’aux pieds, est trop court de plus d’un tiers de brasse ? tu l’as estropié. »

— « Oh ! ce n’est rien, repartit Topolino ; s’il ne s’agit que de cela, j’y remédierai facilement, laissez-moi faire. » Michel-Ange ne put s’empêcher de rire ; mais à peine fut-il parti, que Topolino coupa les jambes de son Mercure et lui arrangea une paire de bottines qui, en enchâssant le genou, cachaient parfaitement la jointure. Il montra en-