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suffisait d’avoir vu une chose une seule fois pour ne plus l’oublier, et en tirer un parti habile. Dans la multitude de figures qu’il produisit, on n’en trouve pas deux qui se ressemblent. Dans sa jeunesse, il donna une preuve assez plaisante de sa mémoire : se trouvant avec quelques peintres de ses amis, on paria un souper à qui parviendrait à imiter le plus fidèlement une de ces bambochades dont les polissons barbouillent les murailles ; il s’en rappela une des plus grotesques qu’il avait vue autrefois, et il la reproduisit comme s’il l’eût eue devant les yeux, ce qui était assurément difficile pour un artiste dont la main était accoutumée à ne tracer que des figures de la plus grande correction.

Michel-Ange n’était pas vindicatif, il se montra toujours patient et modeste ; quoiqu’il fût réservé dans ses paroles, il ne laissait pas cependant de lui échapper parfois des saillies agréables et piquantes. Nous en avons recueilli un grand nombre, mais nous n’en citerons que quelques-unes, parce qu’il serait trop long de les rapporter toutes ici.

Un jour qu’il s’était arrêté pour regarder la statue de saint Marc de Donato, un citoyen lui demanda ce qu’il en pensait. « Jamais je n’ai vu, répondit-il, une figure dont les traits ressemblassent plus à ceux d’un homme de bien. Si saint Marc était ainsi, nous pouvons croire tout ce qu’il a écrit. »

On lui montrait un dessin fait par un enfant dont on excusait les fautes, en répétant : « Il y a peu de temps qu’il dessine. » — « Oh ! cela se voit bien, s’écria Michel-Ange (150). »