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dait très actif ; il se livrait peu au sommeil, et souvent se levait la nuit pour travailler. Il se mettait sur la tête un casque en carton qui renfermait une chandelle, par ce moyen il était parfaitement éclairé, et conservait la liberté de ses mains. J’avais remarqué qu’il ne se servait pas de bougies, mais de chandelles de suif de chèvre, qui sont excellentes ; je lui en envoyai quatre paquets qui pesaient bien quarante livres ; je les lui fis porter à deux heures après minuit. Il les refusa d’abord ; mais mon domestique lui dit : « Messer, elles m’ont cassé les bras depuis le pont jusqu’ici, et certes je ne les reporterai pas à la maison ; il y a devant votre porte un monceau de boue, je les planterai toutes dedans et les allumerai. » — « Eh bien, pose-les ici, répondit Michel-Ange, car je ne veux pas de pareilles plaisanteries à ma porte. »

Michel-Ange me raconta lui-même que, dans sa jeunesse, fatigué de son travail, il se couchait souvent tout habillé, pour n’avoir point la peine d’ôter ses vêtements le soir et de les reprendre le lendemain.

On l’a accusé d’avarice, mais il est aisé de voir que c’est une calomnie, car il était au contraire d’une extrême générosité. Nous avons déjà dit qu’il avait fait présent d’une foule de dessins du plus grand prix à Messer Tommasso de’ Cavalieri, à Messer Bindo, à Fra Sebastiano, et de tous ses cartons, ses modèles en cire, en terre, et du tableau de la Léda à son élève Antonio Mini. Gherardo Perini, gentilhomme florentin, reçut de lui plusieurs têtes