Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charles-Quint, la seigneurie de Venise (140), et Cosme de Médicis lui offrirent des pensions considérables. Tous, enfin, reconnaissaient l’immensité de ce génie.

Michel-Ange avait une imagination si sublime, que souvent ses mains ne pouvaient exprimer ses grandes et terribles pensées ; voilà pourquoi il laissa tant d’ouvrages inachevés, et brûla, peu de temps avant sa mort, une foule de dessins, d’esquisses et de cartons qui auraient fait connaître les moyens qu’il employait pour arriver à la perfection. Je conserve dans mon recueil de dessins plusieurs de ces essais que j’ai trouvés à Florence. On voit qu’il recommençait jusqu’à neuf, dix et douze fois une tête avant de rencontrer l’expression qu’il voulait lui donner ; il avait coutume de dire qu’il fallait avoir le compas dans l’œil et non dans la main.

Michel-Ange aimait la solitude, menait une vie retirée et méditative, mais il n’était jamais moins seul que quand il était seul. On a eu tort de l’accuser de fierté et de misanthropie ; le génie a besoin de tranquillité et de loisir, autant que de fermeté et de constance ; d’ailleurs il sut reconnaître et conserver l’amitié des grands et des savants les plus distingués de son temps. Le cardinal Hippolyte de Médicis lui portait une vive affection : ce seigneur, ayant appris un jour qu’il prenait plaisir à voir un beau cheval turc qu’il avait dans ses écuries, le lui envoya aussitôt avec dix mulets chargés de grain, et un palefrenier pour le soigner. Il comptait encore parmi ses amis, les cardinaux Polo,