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Florence. Je lui écrivis pour le déterminer à prendre ce parti ; mais son grand âge le retint : il avait alors quatre-vingt-un ans. Il me répondit et m’envoya plusieurs sonnets, en m’avertissant que je verrais bien qu’il était arrivé à la fin de sa carrière, et qu’il n’avait plus aucune idée qui ne fût empreinte de la mort. Voici une de ses lettres :

« Dieu veuille, Vasari, que je fasse attendre la mort encore quelques années. Vous me direz sans doute que je suis bien fou de composer des sonnets à mon âge ; mais c’est précisément parce que beaucoup de gens prétendent que je suis tombé dans l’enfance, que je veux faire l’enfant. Je vois, par votre lettre, la vive affection que vous avez pour moi ; soyez persuadé que je désirerais, comme vous, que mes os reposassent à côté de ceux de mes pères ; mais en quittant Rome, je causerais la ruine de la fabrique de Saint-Pierre, et ce serait à moi une grande honte et une faute impardonnable. Lorsque ce grand édifice sera arrivé au point qu’on n’y pourra plus rien changer, j’espère pouvoir me rendre à vos désirs ; aussi bien, c’est déjà peut-être un crime que de faire languir si long-temps certains intrigants qui attendent mon départ avec impatience. »

Le sonnet suivant, joint à cette lettre, était aussi écrit de sa main.

Giunto è già ’l corso della vita mia
Con tempestoso mar per fragil barca