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Michel-Ange, qu’il ne s’inquiète point de cette misère, mais un peu plus de réformer les hommes ; ce qui est beaucoup moins facile que de corriger des peintures  (118). »

Cette même année, Michel-Ange perdit Urbino, son fidèle serviteur, qu’il avait pris à son service en 1530, après le siège de Florence, lorsque Antonio Mini, son élève, passa en France. Urbino resta vingt-six ans avec lui. Son dévouement fut récompensé. Son maître l’enrichit et l’aima jusqu’à le servir pendant sa maladie et le garder la nuit, en dormant tout habillé sur un siège. Aussitôt que j’appris la mort d’Urbino, j’écrivis à Michel-Ange pour le consoler, et il me fit cette réponse :

« Messer Giorgio, mon cher ami, j’écrirai mal, cependant il faut que je vous dise quelque chose en réponse à votre lettre. Vous savez comment Urbino est mort ; ç’a été pour moi une très grande faveur de Dieu, et un sujet de chagrin bien cruel, Je dis que ce fut une faveur de Dieu, parce que Urbino, après avoir été le soutien de ma vie, m’a appris non-seulement à mourir sans regrets, mais même à désirer la mort. Je l’ai gardé vingt-six ans avec moi, et je l’ai toujours trouvé parfait et fidèle. Je l’avais enrichi, je le regardais comme le bâton et l’appui de ma vieillesse, et il m’échappe en ne me laissant que l’espérance de le revoir dans le paradis. J’ai un gage de son bonheur, dans la manière dont il est mort. Il ne regrettait pas la vie, il s’affligeait seulement, en pensant qu’il me laissait