Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diriger cette entreprise (115). Jules autorisa donc les clercs de la chambre à la confier à l’architecte qui leur conviendrait. Ils choisirent Nanni, sans en rien dire à Buonarroti, et lui donnèrent pleins pouvoirs. Nanni, au lieu de fortifier le pont, en diminua la solidité en le rendant plus léger, et se contenta de le couvrir d’ornements et de lui donner l’apparence d’un ouvrage reconstruit à neuf. Cinq ans après, en 1557, une inondation le renversa, et l’on reconnut, mais trop tard, l’ignorance des clercs de la chambre, et le tort de n’avoir pas suivi les avis de Michel-Ange, qui plusieurs fois avait prédit ce malheur. Je me rappelle qu’un jour où nous traversions ce pont à cheval, il me dit : « Giorgio, ne sentez-vous pas ce pont trembler ? Hâtons notre marche, de peur qu’il ne s’écroule sous nous. »

Mais il nous faut retourner un peu sur nos pas. En 1554, le duc Cosme m’appela à Florence, mon départ fut très pénible à Michel-Ange que ses ennemis tourmentaient tous les jours. Nous nous écrivions souvent, et, au mois d’avril de la même année, je lui appris que Lionardo, son neveu, venait d’avoir un fils destiné à conserver le nom de Buonarroti, et qu’une foule de femmes des plus distinguées avait assisté à son baptême.

Michel-Ange me répondit :

« Giorgio, mon cher ami, j’ai pris un très grand plaisir à lire votre lettre, ayant vu que vous vous souveniez du pauvre vieillard. Vous avez assisté à la fête qu’on a donnée pour la naissance d’un nou-