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confier la conduite de cette grande basilique. Enfin Sa Sainteté, inspirée, je crois, par Dieu même, résolut de s’adresser à Michel-Ange, qui refusa d’abord ce fardeau, en alléguant qu’il n’était point architecte ; mais ses prières et ses excuses furent inutiles, le pape le força d’accepter, et de se dévouer à cette entreprise malgré toute sa répugnance.

Un jour, Michel-Ange se rendit à Saint-Pierre, pour examiner le modèle en bois qu’avait fait San-Gallo, et y trouva toute la secte San-Gallesque qui, après l’avoir accablé de félicitations et de compliments, finit par lui dire que le modèle de San-Gallo était un pré où il y avait toujours à paître. « Vous avez raison, » répondit Michel-Ange. Il expliqua ensuite à ses amis, qu’il entendait par là que c’était un pâturage pour les moutons et les bœufs qui ne comprennent rien aux arts. Depuis, il osa dire publiquement que le San-Gallo n’avait point donné assez de jour à l’édifice, et avait hérissé sa composition d’un amas de colonnes, de pyramides, et de pointes, qui se ressentaient plus de la manière barbare et tudesque, que du beau style antique ou du bon goût moderne. Il ajoutait, enfin, que l’on pouvait économiser cinquante années de travail, et trois cent mille écus, pour achever cette église, tout en lui donnant plus de majesté et de grandeur ; et il le prouva en exécutant le modèle, qui fut définitivement mis en œuvre. Il n’employa que quinze jours à le faire, et n’y dépensa que vingt-cinq écus. Celui de San-Gallo avait coûté plus de quatre mille écus, et avait demandé plusieurs an-