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les juge ; saint Barthélemi montre sa peau écorchée, saint Laurent, et une foule de saints et de saintes se félicitent d’avoir obtenu le bonheur éternel. Plus bas, les sept Anges, dont parle saint Jean l’évangéliste, sonnent de la trompette, et leur aspect menaçant inspire la terreur ; les Sept péchés mortels, sous la forme de démons, combattent et entraînent dans les enfers les âmes qui volent vers le ciel ; les morts ressuscitent et reprennent leurs os et leur chair. Puis on aperçoit Caron (91) sur sa barque, frappant impitoyablement avec son aviron les misérables passagers que lui amènent les démons. Michel-Ange avait emprunté cette allégorie aux vers suivants du Dante :

Caron demonio, con occhi di bragia
Loro accennando, tutte le raccoglie ;
Batte col remo qualunque s’adagia.

Quelle variété Michel-Ange a su déployer dans toutes ces têtes de démons ! Avec quel art il a su imprimer sur le front des coupables les remords du crime et la crainte du châtiment ! Quelle harmonie règne dans cette vaste page, qu’on croirait conçue et exécutée en un jour ! Il serait vraiment impossible de décrire cette foule de figures, où toutes les affections humaines sont si admirablement exprimées. Les envieux, les avares, les débauchés se reconnaissent facilement. Certes, avant d’écrire ce grand poème, Michel-Ange avait bien étudié le cœur humain. Cette sublime peinture doit servir de modèle dans notre art, et la divine