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son échafaud, et se blessa à la jambe. De douleur et de dépit, il ne voulait se laisser soigner par personne ; un de ses amis, Messer Baccio Rontini, médecin florentin, en fut instruit. Touché de compassion, il alla un jour frapper à sa porte, et, comme personne ne lui répondit, il parvint par des détours secrets jusqu’à Michel-Ange, qu’il trouva tout désespéré. Il le pansa, et ne consentit à le quitter qu’après l’avoir guéri complètement  (90). Dès que Michel-Ange fut rétabli, il se livra sans relâche à son travail et le termina peu de mois après.

Le désespoir des réprouvés, la joie des élus, sont exprimés dans cette peinture avec une telle énergie, que l’on croit voir réalisé ce vers du Dante :

Morti li morti, et i vivi parean vivi.

Certes, Michel-Ange se surpassa lui-même dans cette sublime conception. Il s’était profondément pénétré de l’horreur qui doit régner en ce jour terrible où les méchants recevront leurs châtiments.

Plusieurs figures nues portent tous les instruments de la passion, la croix, la colonne, la lance, l’éponge, les clous, et la couronne d’épines. Le Christ, assis, se retourne et jette un regard courroucé sur les pécheurs qu’il maudit. Près de lui, sa mère semble entendre avec effroi la sentence qui condamne ces malheureux. À l’entour se tiennent les prophètes et les apôtres, parmi lesquels on remarque Adam, père des nations qui doivent être jugées, et saint Pierre, fondateur de la religion qui