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ses appointements ordinaires et les travaux de San-Lorenzo, dont il donna la surveillance à Messer Giovambattista Figiovanni, ancien serviteur des Médicis, et prieur de cette église. Michel-Ange rassuré commença, pour gagner l’amitié de Baccio Valori, un Apollon en marbre haut de trois brasses. Le duc de Florence possède aujourd’hui ce morceau précieux, qui est presque entièrement terminé.

Pendant le siège de Florence, Michel-Ange avait achevé le tableau qu’il destinait au duc de Ferrare. Ce prince, craignant que ce chef-d’œuvre ne devînt la proie du vainqueur, l’envoya chercher par un de ses gentilshommes. Michel-Ange l’accueillit gracieusement, et lui montra un grand tableau où il avait représenté, avec un soin extrême, Léda embrassant Jupiter transformé en cigne. Ce noble personnage lui dit : « Oh ! c’est bien peu de chose ! — Quel est donc votre métier » ? demanda Michel-Ange. « Je suis marchand, » répondit l’autre, d’un air à donner à entendre qu’il méprisait l’industrie des Florentins. Michel-Ange, le comprenant fort bien, lui répliqua aussitôt : « Eh bien, Messer marchand, vous ferez aujourd’hui un mauvais marché pour votre patron, sortez d’ici. » Il fit présent de ce magnifique tableau à Antonio Mini, son élève, qui, ayant deux sœurs à marier, s’était recommandé à lui. Mini l’apporta en France avec des dessins, des cartons et deux caisses remplies de modèles qu’il reçut également de Michel-Ange. Il vendit, par l’entremise de quelques marchands, le tableau de la Léda, qui est aujourd’hui à Fontainebleau (79).