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ce pays désiraient le posséder ; mais comme il eut toujours une légère opinion de leurs connaissances dans les arts, il ne demeura pas long-temps parmi eux. Il habitait à Giudecca, où l’on prétend qu’à la prière du doge Gritti, il fit alors le dessin du pont de Rialto (77). Florence ne tarda pas à le rappeler à grands cris. On le supplia de ne pas abandonner ce qu’il avait si glorieusement entrepris, et on lui envoya un sauf-conduit. L’amour de la patrie le décida à se laisser fléchir, et il rentra dans Florence, non sans avoir couru plusieurs fois le danger de perdre la vie. En reprenant les travaux de défense, sa première opération fut de garantir le campanile de San-Miniato qui, armé de deux pièces de canon qui causaient de grands ravages dans l’armée ennemie, était devenu le point de mire de l’artillerie des assiégeants. Déjà les avaries qu’il avait éprouvées faisaient craindre sa ruine prochaine, lorsque Michel-Ange, à l’aide de ballots de laine et de matelats épais, le préserva de telle sorte qu’il subsiste encore. Florence ayant été enfin réduite sous le joug du pape, Baccio Valori reçut l’ordre d’arrêter et de remettre entre les mains du Bargello[1] plusieurs des plus notés dans le parti qui venait de succomber. Michel-Ange fut recherché ; mais, pressentant ce qui devait arriver, il s’était réfugié dans la maison d’un ami ; il y resta caché pendant plusieurs jours  (78). Le pape, après le premier moment de colère, lui fit dire qu’il n’avait rien à craindre, et lui rendit

  1. Bargello, chef des sbires