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vert ; mais le duc Alphonse d’Este, allié de l’empereur et du pape, exigeait des aubergistes qu’ils lui remissent les noms et les signalements de tous les étrangers qu’ils logeaient. Le duc fut donc instruit de l’arrivée de Michel-Ange. Il députa aussitôt vers lui quelques personnes distinguées de sa cour, pour l’inviter à se transporter avec ses chevaux et ses bagages dans son palais, où il ordonna de lui préparer un magnifique appartement. Michel-Ange fut forcé de suivre ces seigneurs, mais ne voulut pas donner congé à son hôte. Le duc, après lui avoir reproché sa sauvagerie, le combla de riches et honorables présents, et tenta même de le fixer à Ferrare avec une bonne pension ; puis, voyant ses propositions refusées, il le pria de rester au moins tant que durerait la guerre, et lui offrit de nouveau tout ce qui était en son pouvoir. Michel-Ange, ne voulant pas se laisser vaincre en générosité, le remercia beaucoup, et se tourna vers ses deux compagnons de voyage, en disant : « Nous avons apporté dix mille écus à Ferrare, et s’ils peuvent vous être utiles, nous les mettons à votre disposition ainsi que nos personnes. » Alphonse lui montra toutes les beautés que renfermait son palais et son portrait peint par le Titien, dont Michel-Ange fit un grand éloge ; mais, malgré ses efforts pour le retenir, il ne put l’empêcher de retourner à son hôtellerie ; pour s’en venger, il donna à l’aubergiste tout ce qu’il croyait nécessaire pour le bien traiter, avec ordre de ne rien recevoir de lui quand il partirait de Ferrare. Michel-Ange alla à Venise, où les nobles de