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quence ses traits expriment le calme du sommeil, joint à l’abattement et à la douleur ! Jamais sculpteur se rencontrera-t-il assez hardi pour tenter, je ne dirai pas de surpasser, mais d’imiter cette œuvre divine ? Une foule de poètes s’empressèrent de la célébrer dans leurs vers. Voici entre autres un quatrain dont on ne connaît pas l’auteur (74).

La Notte che tu vedi in sì dolci atti
Dormire, fu da un Angelo scolpita
In questo sasso ; e, perché dorme, ha vita ;
Destala, se no ’l credi, e parleratti.

Michel-Ange répondit au nom de la Nuit :

Grato mi è il sonno, e più l’esser di sasso,
Mentre che il danno e la vergogna dura,
Non veder, non sentir m’è gran ventura ;
Però non mi destar ; deh ! parla basso.

Certes, si la haine qui existe entre la fortune et le génie eût permis que cet ouvrage fût achevé, l’art aurait vaincu la nature.

Florence était assiégée depuis six mois, lorsque tout-à-coup elle se vit cernée complètement ; les citoyens avaient perdu l’espoir d’être secourus, et les moyens de défense devenaient plus difficiles de jour en jour. Michel-Ange, présageant le danger, résolut de s’en aller à Venise (75). Il partit donc secrètement par le chemin de San-Miniato avec Antonio Mini, son élève, et l’orfévre Piloto, son fidèle ami ; ils avaient tous les trois un pourpoint piqué, bien garni d’écus (76). Arrivés à Ferrare, ils s’arrêtèrent pour se reposer, croyant n’être point décou-