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récompensé par Jules II, qui l’aimait singulièrement ; et si ce pontife le traitait quelquefois avec brusquerie, il ne tardait jamais à l’en dédommager par de magnifiques présents et d’éclatantes faveurs. Ainsi, le Buonarroti lui ayant demandé un jour de l’argent pour aller à Florence exécuter la figure de saint Jean, le pape lui répondit : « Et ma chapelle, quand sera-t-elle achevée ? — Quand je pourrai, Saint-Père, » répliqua franchement notre artiste. Sa Sainteté le frappa avec un bâton qu’elle tenait à sa main, en criant : « Quand je pourrai, quand je pourrai ! je te la ferai bien terminer, moi. » Alors le Buonarroti retourna chez lui, et se disposait à partir pour Florence, lorsque Jules, craignant qu’il ne fît encore des siennes, se hâta de lui envoyer un de ses camériers, nommé Cursio, qu’il chargea de l’apaiser en lui offrant ses excuses accompagnées de cinq cents écus. Comme Michel-Ange connaissait le caractère du pape, il finissait par rire de ces boutades, en voyant qu’après tout elles tournaient à son avantage, et que Jules employait tous les moyens pour rester son ami.

Jules II laissa le soin au cardinal Santi-Quattro et au cardinal Aginense, son neveu (63), de faire terminer après sa mort son tombeau sur un plan moins considérable que le premier. Michel-Ange se remit à l’ouvrage avec empressement, dans l’espoir de rencontrer de moindres obstacles à l’achèvement de cette entreprise. Mais il ne fut pas plus heureux, il éprouva au contraire une foule de nouveaux chagrins et de nouvelles contrariétés ; la calomnie l’accusa même d’ingratitude envers son protecteur.