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Jules II, qui aimait et estimait sincèrement Michel-Ange, ne permit pas qu’on lui fît un pareil affront, et lui ordonna de continuer ses travaux. Il exécuta la seconde moitié dans l’espace de vingt mois, sans aucun aide, et sans même employer un ouvrier pour broyer ses couleurs (55). Il est vrai que l’impatience du pape fut telle, que notre artiste se plaignit plusieurs fois de n’avoir pu donner à son ouvrage tout le fini qu’il aurait désiré. Jules lui demandant un jour quand enfin il aurait terminé, « Quand je serai satisfait de mon travail, » lui répondit-il. « — Et nous, reprit le pape, nous voulons aussi être satisfait, et promptement, sinon je te ferai jeter à bas de ton échafaud. » Michel-Ange, qui redoutait avec raison les fureurs de Sa Sainteté, ordonna sur-le-champ de démonter les échafauds. Toute la chapelle fut découverte le matin de la fête de la Toussaint (56), et le pape y célébra la messe le même jour, au milieu d’un grand concours de monde.

Michel-Ange aurait voulu exécuter quelques retouches à sec, comme l’avaient pratiqué ses prédécesseurs dans les peintures du bas de la chapelle, en enrichissant les draperies et certains fonds de couleurs d’outre-mer, et de quelques détails de dorure (57). Mais l’embarras de reconstruire un échafaud fut cause que les fresques restèrent telles qu’elles étaient. Jules II cependant désirait que Michel-Ange y introduisît ces enjolivements, faute desquels, disait-il, sa chapelle paraissait bien pauvre. « Saint-Père, lui répondit l’artiste, les hommes que