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pas un lettré (50). » Jules II laissa mille écus à Messer Antonmaria da Lignano, pour l’achèvement de cette statue, qui coûta seize mois de travail à Michel-Ange et fut placée dans la grande niche du portail de San-Petronio. Lorsque les Bentivogli rentrèrent à Florence, le peuple brisa ce chef-d’œuvre, et les morceaux furent achetés par le duc Alphonse de Ferrare, qui en fit faire une pièce d’artillerie qu’on appela la Giulia ; il en conserva seulement la tête, que l’on voit dans son cabinet.

Pendant que Michel-Ange était retenu à Bologne par les soins qu’exigeait l’exécution de cette statue, le Bramante, de concert avec Raphaël d’Urbin, profita de son absence pour conseiller à Jules II d’abandonner le projet de son tombeau, en lui disant que le construire de son vivant était de mauvais augure, et qu’il semblait vouloir hâter ses derniers moments. Bramante et Raphaël persuadèrent donc au pape de forcer Michel-Ange à peindre la chapelle du palais, bâtie par son oncle Sixte IV. Bramante et les autres envieux de notre artiste voulaient le réduire au désespoir, en lui enlevant ses travaux de sculpture qui l’immortalisaient, pour le contraindre à entreprendre un genre de peinture où il devait se montrer inférieur à Raphaël, puisqu’il n’avait pas encore eu l’occasion de le pratiquer ; et, en supposant qu’il réussît contre leur attente, ils espéraient irriter facilement le pape contre lui, détruire son crédit, et enfin s’en débarrasser de manière ou d’autre (51).

Michel-Ange, à peine de retour à Rome, reçut du pape l’ordre de laisser de côté son tombeau et